Journal de bord des gazelles J4

La relève : Minuit à 4h, nuit noire, le calme est revenu sur le bateau. Nous sommes éclairées par la lune, nos yeux s’habituent.

 

Nous redevenons des sentinelles. Le Belem nous renvoie à la simplicité, nous oblige à nous adapter, à suivre notre instinct.

 

Sur le gaillard, à l’avant du bateau, le plancton s’illumine à notre passage. Une sorte de feu d’artifice sur l’eau. C’est un spectacle à ciel ouvert. Sylvain notre gabier nous enseigne les étoiles. Les voiles du Belem flottent, c’est irréel. Nous sommes seules au monde. Jamais nous n’avions vu autant d’étoiles, la voie lactée se dessine. Les dauphins en symbiose avec les planctons phosphorescents saluent la fin du quart. La relève 4h/8h, encore groggy, nous avons à peine le temps d’émerger : on nous attend pour brasser. Fini le yoga, il faut des muscles pour être une gazelle. Il fait moins froid qu’hier. Nous commençons à prendre nos marques. Ce matin au petit-déjeuner, nous sommes déjà plus nombreuses. La mer, plus calme, accorde un répit aux filles les plus affectées par le mal de mer, qui commencent à sortir la tête du seau. Ce fameux mal de mer que nous appréhendons toutes. Géraldine nous rassure, le mal de mer fait partie de l’aventure. Il ne faut pas lutter, la mer est plus forte, il faut accepter. Et ça va passer, ça passe toujours.

 

Quart du matin. Tandis que les gazelles qui ont fait la nuit vont se coucher, le quart de jour se met en place. Réveil musculaire avec nettoyage du pont. Nous chantons pour nous donner du cœur à l’ouvrage. Voilà, le Belem brille ! Nous nous retrouvons à l’avant du bateau, assises sur le pont. Mathieu nous donne notre première leçon de vocabulaire marin pour apprendre à nous repérer entre les 22 voiles. Beaucoup de jargon, nous essayons malgré le sommeil de tenir bon. Le soleil nous réchauffe, le vent nous caresse, je crois que nous aurions toutes, petites, aimé apprendre dans de telles conditions.

 

Le déjeuner nous donne l’occasion de connaître toujours un peu plus les membres d’équipage. C’est avec Vincent que je fais connaissance aujourd’hui. Il a rejoint le Belem depuis une semaine seulement mais semble déjà bien le connaître. Il arrive de l’Hermione et raconte l’émotion des deux transatlantiques.

A peine remontées, nous voilà embauchées pour brasser de nouveau et adapter le bateau au vent qui a un peu tourné. Puis, belle surprise, Gaël le charpentier et Enguerrand, le péchou nous lancent le défi de monter sur la première vergue. Nous enfilons les baudriers et commençons l’escalade… 10 mètres plus haut, quelle récompense ! Une vue imprenable et un rêve réalisé ! Certaines gazelles appréhendent, mais une gazelle ne lâche jamais. Never give up. La force du collectif prend tout son sens. Les gazelles sur le spardeck encouragent celles qui montent à tour de rôle. Gaël et Enguerrand nous assurent, nous rassurent et soutiennent les moins vaillantes. Tatiana dépasse son appréhension et se hisse. Des larmes de fierté la gagnent une fois sur la vergue avec les autres gazelles. « Je l’ai fait ».  Nous l’applaudissons.

 

Le reste de l’après-midi se termine entre exercice d’évacuation, manœuvres pour chercher à optimiser la vitesse du bateau et discussions animées sur le pont. Certaines en profitent pour fermer les yeux, se laissant bercer par le Belem. Début de soirée. Le commandant  et le second nous enseigne l’art de se repérer avec le sextant. Oublié le bon vieux GPS, cette technique est ancestrale mais fonctionne quand il n’y a plus de repères terrestres en vue…  Eve s’essaie à lire l’éphéméride. Je la regarde avec curiosité, je n’ai pas tout compris… Les quarts de nuit vont prendre leur service, le soleil baisse, l’immensité nous appartient.