Nous nous réveillons ce matin pour un dernier petit déjeuner toutes ensemble car dès ce soir nous allons fonctionner en quarts. Dernière matinée aussi avant le départ, nous trépignons.
Quelques gazelles décident de mettre pied à terre pour un dernier café à Sines ou pour les plus gourmandes pour goûter une pasteis de nata. Pour celles qui restent à bord, nous profitons du soleil sur le pont, Géraldine, un de nos gabiers instructeur nous installe même un hamac sur le pont. La course va être lancée en début de soirée, avec au préalable une parade de tous les gréements présents. Pour cette occasion, nous préparons une chorégraphie, sur une musique entrainante. Nous agitons nos chèches jaunes, il faut que ce soit visuel. Pierre, le lieutenant de navigation se mêle à notre danse, tandis que Géraldine s’improvise chorégraphe sous le regard amusé du reste de l’équipage. La cloche sonne, il est temps de déjeuner. Chaque jour, nos deux cuistots embarqués nous concoctent de bons petits plats différents. Ils nous chouchoutent .
L’excitation monte, nous mettons les voiles au sens littéral du terme. Emotion et excitation…
Oubliée la chorégraphie du départ, nous mettons nos gants pour hisser les voiles. Il nous faut être coordonnées, attentives aux ordres. Nous sommes les mains du commandant qui décide de chaque manœuvre, il est à nos côtés, nous le sentons veiller sur nous du haut du toit de la timonerie. Ce sont aussi les vrais premiers efforts à fournir. Toutes les gazelles sont sollicitées. Toutes voiles dehors, le Belem a fière allure. Son élégance est saluée par les coups de corne. Notre comité de pilotage nous envoie les derniers bons vents de leur zodiaque qui nous escorte. Voilà, nous sommes en route. Nous avons passés la ligne de départ… Les côtés portugaises ne seront bientôt qu’un souvenir.
Cap Vers l’infini et l’au-delà. Nous naviguons à 7 nœuds, dans une mer peu agitée à agitée, mais pour nous c’est agité tout court. Le tangage et le roulis ne nous épargnent pas. Nos organismes sont mis à rude épreuve. Nous perdons nos repères. Haut les cœurs, il faut tenir bon ! La solidarité est de mise, les gazelles les plus en forme soutiennent les plus touchées par le mal de mer. La lumière baisse, le premier quart est lancé de 20h à minuit. Nous sommes la moitié à pouvoir assurer. Coucher de soleil à la barre et magnifique récompense : quelques dauphins nous saluent au passage. La nuit nous prend, nous sommes uniquement éclairées par la lumière de la lune. Une flopée d’étoiles apparaît. Nos yeux s’habituent. Le silence autour de nous, seuls les bruits des voiles et des craquements de bois du Belem se font entendre. Quelques manœuvres sont réalisées, une équipe reste à la barre pour garder le cap et une autre à l’avant pour veiller qu’aucun danger ne croise notre route. Nous profitons de ces moments pour poser des questions à nos gabiers : comment fonctionnent les instruments, comment vivent-ils ces mois de navigation loin des leurs… Nous nous apprivoisons et nous apprivoisons notre environnement. Il fait froid, la mer est toujours agitée. Nous luttons contre le sommeil, il arrive parfois qu’un œil se ferme indépendamment de notre volonté. Minuit ! Fin du quart. Les autres gazelles vont prendre la relève pour deux autres quarts encore cette nuit. Nous regagnons nos bannettes, bercées par notre nouvelle maison, le repos mérité du jeune matelot.